Fidelio

Publié le par musiqueautce

 

      A écouter Fidelio au TCE le 23 février dernier, on aurait dit que les trésors de l'oeuvre de Beethoven résidaient bien plus dans les ensembles que dans les solos.Il émanait toujours des airs une certaine gêne, un certain embarras,comme si les voix ne passaient pas la rampe, comme si les aigus sortaient mal. Etait-ce dû à la disposition de la scène, aux chanteurs eux-mêmes, à la version de concert? Le seul à s'en sortir impeccablement était sans conteste Kurt Rydl (Rocco). En revanche, dans les ensembles, les voix s'envolaient merveilleusement....

 

 

Voici le spectacle passé au peigne fin par Pierre Herrmann, abonné étudiant,et féru d'opéra:

 

Cette version concert de l’unique opéra de Beethoven laisse chez l’auditeur un sentiment de déception, en raison d’importants déséquilibres, audibles chez les solistes surtout, donnant l’impression que cette version vaut essentiellement pour son chef, l’orchestre et le chœur. En effet, si l’Orchestre national de France sous la baguette de Kurt Masur sonnait comme jamais, de même que les chœurs, merveilleux dans les nombreux numéros que Beethoven leur a consacrés, les solistes, dans leur grande majorité, ont déçu. L’impression finale fut bonne vu que l’opéra se clôt sur un chœur brillant : le public s’est trouvé très enthousiaste à la fin du spectacle. Peut-être n’aurait-il pas eu le même enthousiasme en entendant chanter en dernier certains solistes pour qui cette partition très exigeante ne convenait visiblement pas.

 

Beethoven ne ménage pas ses solistes, et Fidelio reste un opéra extrêmement redouté par les sopranos, ténors et barytons, du moins dans le cas des trois rôles principaux (Florestan, Léonore et Pizzaro). Matthias Goerne promettait plus qu’il ne chantait bien, et chacune des notes de son air d’entrée, d’une difficulté redoutable, passant des notes du bas medium à l’aigu (pour la tessiture d’un baryton), était étranglée, sans doute en raison d’une technique respiratoire trichée et caricaturale. En revanche, dans les ensembles, la voix était très bien placée et la technique assez bonne ; en somme, une grande déception de la part d’un chanteur que j’entendais pour la première fois, et dont on m’avait tant vanté les mérites en tant que chanteur de Lieder. Léonore (Mélanie Diener)était aussi inégale : la voix manquait de puissance de manière générale (à moins qu’elle ne fût couverte par les cordes, étrangement disposés au premier plan, les chanteurs se retrouvant coincés entre les vents et les cordes), mais son grand air fut d’une bonne tenue, sans obtenir les faveurs d’un public qui a sans doute applaudi en raison de la grande difficulté de l’air, et non pour louer une prestation brillante. Son deuxième acte fut plus réussi, comme pour Pizzaro. En revanche, le ténor qui tenait le rôle de Florestan (Burkhard Fritz) est à oublier dans ce rôle. Si la technique semblait assez bonne, les notes étaient toutes étranglées dans son grand air d’entrée du deuxième acte. Un Jonas Kauffmann aurait été idéal dans ce rôle ce soir-là!

 

Les rôles secondaires ne tenaient également pas toujours leurs promesses. Sophie Karthäuser était très présente vocalement, mais la voix manquait de douceur pour un rôle non dénué de sensibilité, notamment dans son air. Pour le rôle de Jacquino, le choix s’oriente souvent vers un ténor médiocre, à la voix étriquée qui ne sonne pas : cette version concert n’a pas failli à la tradition, Werner Güra étant décidemment un ténor impossible à entendre chez Mozart et Beethoven ! Je voudrais en revanche saluer la brillante prestation de Kurt Rydl, impeccable d’un bout à l’autre de la partition, alliant la voix de basse bouffe à celle de basse plus profonde lors de son duo avec Pizzaro, moment durant lequel il apprend qu’il va devoir commettre le meurtre de Florestan. La partition était parfaitement maîtrisée par un chanteur qui connaissait en outre sa partition par cœur. Il justifierait à lui seul l’écoute de cette version concert, si l’opéra se réduisait au chant des solistes!

 

Comme déjà annoncé, les chœurs étaient merveilleux, de même que l’orchestre. Dès l’ouverture, l’orchestre massif vous plongeait dans une atmosphère, celle du culte de la liberté telle qu’on le pratiquait au début du XIXème siècle. Les accents rappelaient ceux d’une version de Karajan des années 1980, interprétation idéale selon moi de la partition de Beethoven. Ceux-ci provoquèrent l’enthousiasme du public.

 

Une version contrastée donc, mais pas dénuée de beautés, malgré des solistes trop inégaux. Les chanteurs étaient peut-être en méforme vocale ou tout simplement pas à même de tenir de bout en bout une partition très exigeante, composée par un Beethoven qui eut lui-même bien du mal à la parachever. Enfin, la version concert enlève selon moi une grande part du sens et de crédibilité à l’œuvre. Le texte parlé joue en effet un grand rôle entre les numéros, et leur suppression, nécessitée par la version de concert, rendait l’enchaînement des numéros absurde pour celui qui connaît bien l’œuvre.

 

Une curiosité, mais une déception.

 

 

 

 

Publié dans Au spectacle !

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