Orlando Furioso, le making of
Ces jours ci se joue au Théâtre des Champs Elysées l’Orlando Furioso, l’opéra en trois actes de Vivaldi … A cette occasion, l’équipe du blog s’est proposée de vous offrir un petit making of d’un opéra au TCE. Parce que l’art doit beaucoup à ce qui se passe derrière les décors et à ceux qui s’y trouvent, voici un petit coup d’œil jeté en amont de la magie…
L’équipe du blog a suivi certaines étapes de la préparation de Orlando de plus près : le montage plateau, les répétitions piano et la Générale (excusez du peu) !
Ce que vous irez voir à coup sûr, à moins que ce ne soit déjà le cas, a nécessité plusieurs semaines de préparation et de mobiliser toute une équipe, aussi diverse que douée.
Orlando est monté !
Nous avons toujours été curieux de savoir comment s’opère le montage d’un spectacle. Avec l’accord de Bénédicte Clermont, nous avons eu le privilège d’assister au montage d’Orlando.
Mathias, qui est machiniste depuis 6 ans, nous a aimablement fait part de ses expériences et nous a expliqué en quoi consiste le travail de machiniste. Mathias a rejoint le TCE il y a voici 2 ans après avoir travaillé en tant qu’intermittent pendant 4 ans suite à une formation technique en alternance. Il nous a expliqué qu’il n’y avait pas de rythme prédéterminé dans le travail de machiniste. Les horaires sont variables, alternant les périodes de relâche, aux phases allant jusqu’à 48h par semaine.
Pour le montage d’Orlando, 8 machinistes sont mobilisés. C’est une équipe de taille plutôt moyenne, étant donné qu’il peut y avoir jusqu’à 20 machinistes pour un montage. Pour Orlando, le montage a duré 5 jours, du jeudi 17 février au lundi 21. La plupart du temps, le montage pour un opéra dure 5 jours, pour une comédie musicale de 3 à 4 jours. Il n’y a quasiment pas de décor pour le ballet.
Le premier jour du montage a été consacré au déchargement de décors qui ont été livrés par 2 camions. A partir du deuxième jour, l’équipe est chargée de cacher les coulisses, d’installer les loges temporaires pour les artistes, le tapis sur le sol. Sont parfois organisés des concerts entre les opéras. Alors une équipe d’alternance est chargée de modifier et d’aménager le plateau. Contrairement au montage qui demande plusieurs jours de travail intense, le démontage est plus aisé et ne dure en général qu’un jour.
La spécificité d’Orlando est que c’est une coproduction de l’opéra de Nancy, de l'opéra de Nice et du TCE. L’opéra de Nancy est chargé de fabriquer les costumes et l’opéra de Nice, les décors. C’est la raison pour laquelle 2 personnes de Nice sont venues prêter leur main au TCE pour le montage d’Orlando. Une coproduction permet de mettre en commun les savoir-faire et expertises de chacun. L’opéra de Nancy disposant d’un atelier de costumes et l’opéra de Nice, d’un atelier de décors, cette coproduction a pour résultat de faciliter la phase de préparation. Mais cela demande bien sûr une bonne coordination!
Cette petite visite nous a permis de voir que le montage est avant tout un travail d’adaptation, puisque chaque spectacle est unique, et par conséquent chaque montage aussi! Ce fut un grand plaisir de rencontrer les différents techniciens qui ne bénéficient pas d’une attention particulière du public à la différence des artistes qui montent sur scène, mais qui n’en demeurent pas moins indispensables pour le spectacle.
Une fois la question du montage plateau réglée, la nacre est prête pour recevoir la perle. Idéaliste s’abstenir, un opéra n’est pas une performance. La préparation, l’articulation et les répétitions sont des moments exigeants et difficiles…
C’est en février 2010 qu’ont commencé les répétitions, plusieurs semaines de travail pour quelques heures de spectacles.
C’est Zoé qui pour l’équipe s’est plongée dans ces heures de travail (et de bonne humeur !) pour mieux voir l’envers du décor. C’est aux répétitions de piano qu’elle s’est rendue… Mais alors les répétitions piano qu’est ce que c’est ??
Prenez des chanteurs, placez un metteur en scène au milieu d’eux…et faites les travailler…
Et voilà…
Pierre Audi, le metteur en scène donc ne fait pas chanter ses chanteurs (seulement "chantonner", et oui) pour ne pas fatiguer les voix, l’instrument un peu central d’un Opéra, accompagné a minima par quelques instruments, inanimés ceux là : piano, clavecin, théorbe et contrebasse.
Jean-Christophe Spinosi, le chef d’orchestre, est très souvent présent, toujours disponible s'il y a des questions.Personnage mercurien, chaleureux et plein de délicatesse, d'une bonne humeur inébranlable, passionné par Orlando Furioso.
Fâchera-t-on les gens trop sérieux en révélant une telle chose ?… mais en répétition, on s’amuse, on rigole, on rigole, et on ne se gêne pas pour faire rire les autres. Ce n’est pas Marie Nicole Lemieux qui dira le contraire, toujours partante pour mettre de l’ambiance… C’est elle qui joue Orlando, le personnage éponyme… A peine sortie de scène, elle ne peut s'empêcher de faire le pitre pour amuser l'un, ou l'autre. Même Romina Basso (Medoro), qui n'a pas l'air de très bonne humeur ce jour-là, éclate de rire. Veronica Cangemi, l’élève un peu plus distraite du cours, mais dont l’application et l’adaptation immédiate aux demandes du metteur en scène rappelle que tout le monde est vraiment, vraiment, à cent pour cent... L’ambiance presque de cour de récré : "On dirait une bande de potes", commente Michel Franck, qui est descendu voir la répétition. Une bande de potes qui essaye de se détendre les uns les autres, alors que tous restent concentrés sur leur travail, avec sérieux et professionnalisme.
Sont également présents à l'appel les deux régisseurs, Jean-Michel et Eléonore, qui suivent toutes les répétitions et donneront le jour J les "tops" en coulisse: tops lumières, tops entrées, etc. Il sont bien sûr musiciens, et suivent la partition pour noter leurs repères en fonction de la musique.
Peggy, l'accessoiriste, est là aussi. Avec sa collègue, elles sont chargées de réunir tous les accessoires demandés par le décorateur et le metteur en scène, elles suivent les répétitions et seront là pendant les représentations pour tendre les objets aux acteurs.
Tous sont là pour encadrer de vrais acteurs et d'invétérés chanteurs: lorsqu’a lieu la répétition de la pantomime qui ouvre l'acte I, ceux-ci, pour un temps condamnés au silence, masqués et donc incognito, ne peuvent s'empêcher de lancer leur voix, tour à tour, par-dessus les instruments, pour le plaisir, tout simplement.
Avant que n’arrive le grand moment de la générale, apothéose et point de non retour d’une certaine façon, les choses montent peu à peu en intensité…
C’est d’abord la lecture orchestre, où le chef travaille avec ses musiciens,
Puis la Scène Piano, les choses sérieuses commencent, cette fois la répétition se fait sur scène, avec le metteur en scène et un accompagnement encore assez restreint…
L’Italienne, répétition consacrée essentiellement à la musique, qui se passe sur scène et qui pour la première fois réunit les chanteurs et l’accompagnement de l'orchestre…
Les choses se précisent avec la Scène Orchestre. Cette fois la répétition se fait avec une mise en scène aboutie et désormais l’orchestre et les comédiens n’évoluent plus les uns sans les autres…
La Pré générale !!!! Répétition qui précède la Générale, cristallisation presque à son apogée, cette fois on se maquille, on porte les costumes, l’illusion est presque parfaite, et l’atelier se superpose de plus en plus à l’œuvre d’art…
Et enfin, la voici la voilà, LA GENERALE, ce moment de la construction d’un opéra auquel n’importe quel amateur souhaiterait assister… C’est un peu le moment révélation, la représentation prototype, juste avant le véritable sommet de la première, ça y est, c’est parti, c’est « pour de vrai », on y est, on ne rigole plus (vous l’aurez compris, c’est surtout une façon de parler…) et bien pour cette générale, on y était aussi !
Quatre, trois, deux, un… c’est parti, pour la première fois un public vient assister à l’œuvre pour la première fois réalisée dans son intégralité… Pour tout le monde, c’est donc une double première fois…
Pas n'importe quel public: un public "invité". C'est une "répétition générale", à la fois informelle et officielle (il y a tout de même une captation vidéo qui sera retransmise à la TV! Alors pour relativiser la pression on repassera). L'atmosphère est donc particulière, un peu intimiste, et surtout pleine d’un suspense et d’une forme de tension inévitable :
le public va-t-il aimer, sera-t-il touché par les choix et les prestations, conquis par une des pierres de touche de la saison?
« Réussite totale », « saluée triomphalement par les spectateurs », l’autocitation est une pratique qu’il vaut parfois mieux éviter, mais en l’espèce, nos experts sont formels…
La mise en scène est parfaitement convaincante et emporte l’adhésion. Pierre Audi nous plonge dans une Venise du XVIIIème siècle, où des masques mystérieux tiennent un conciliabule, virevoltent, passent et repassent comme des spectres. Le décorateur joue sur la pénombre d'une Sérénissime noire et argent. L’œuvre a choisi de se situer sous le signe de l’ambiguïté: qui est qui? Qui veut quoi ? au fond, qui aime qui? La magicienne Alcina, mante religieuse, se nourrit de l'amour qu'on lui porte et du pouvoir qu'elle a sur son entourage, et tire les fils de ces très modernes "liaisons dangereuses"… Désormais, Orlando Furioso appartient au monde des spectacles de Paris… Pour en savoir plus sur l’après préparation, si malgré tout cela il vous en faut encore pour vous convaincre d’aller au TCE, filez Au spectacle !, et vous y trouverez une critique de ce qui désormais n’est plus un projet mais une réalité…